Image et Histoire
Le grand blanc de Lambaréné
Festival Image et Histoire
La déconstruction du héros colonial
Le Grand blanc de Lambaréné de Bassek Ba Kobhio (1995)
IFC vendredi 18 mai à 15h30
Difficile de se frayer un chemin entre l’entreprise hagiographique et la démythification/ démystification de ce Prix Nobel, pasteur, théologien, philosophe et enfin médecin sur le tard, « un filou qui fait trimer les noirs dans son hôpital à la gomme » dira J.P Sartre.
Albert Schweitzer est d’abord un homme de son temps, ancré dans un système colonial et dont le succès repose, au-delà d’une éventuelle imposture (A.Audoynaud) sur « un malentendu productif » (A. Emane)
Oublié en France aujourd’hui (à l’exception de l’Alsace où Gunsbach fait toujours l’objet d’un pèlerinage) sa mémoire reste encore vivace au Gabon.
L’œuvre iconoclaste de Bassek Ba Kobhio nous dévoile un Schweitzer humain, même dans ses colères, cherchant à subsumer ses contradictions mais toujours « au bord du chemin », « ne prenant jamais la piste », enfermé, au moment des indépendances, dans des schèmes de pensée d’un autre âge.
De « Il est minuit docteur Schweitzer » au « Grand blanc de Lambaréné » la production cinématographique interroge le cas de ce médecin atypique, sublimant d’abord son message pour ensuite relever toutes les ambiguïtés du personnage.
Sarraounia
Festival Image et Histoire 4ème édition
Les Africains se réapproprient leur histoire: l'invention des mythes
Sarraounia de Med Hondo (1986)
IFC mardi 16 mai à 16h30
La bataille de Lougou fait l’objet d’évocations sommaires dans les sources françaises ; simple escarmouche dans cette tragédie coloniale que fut la mission Afrique centrale. Sarraounia qui n’est mentionnée que dans une tradition orale circonscrite à l’Aréwa devient avec Abdoulaye Mamani et Med Hondo une héroïne, reine guerrière et magicienne défiant ses voisins musulmans et contribuant à l’échec de la mission Voulet –Chanoine, scellant ainsi le sort de ses deux protagonistes. Surtout elle incarne un projet de société révolutionnaire fondé sur des idéaux de liberté, de dignité et de tolérance dont le griot se doit de conserver la mémoire.
Le mythe littéraire, par réécritures successives et glissement de sens, évacue ce coté subversif pour faire de la reine des Aznas un symbole consensuel, symbole de la résistance à la pénétration française. Cette figure s’historicise et structure désormais l’imaginaire et les représentations de l’histoire coloniale au Niger et en Afrique.
Géopolitique des mafias
Géopolitique des mafias
Gomorra
Matteo Garrone (2008)
Samedi 15 avril à 15h (IFC)
Le film de Matteo Garrone inspiré de l’œuvre éponyme de Roberto Salviano (qui, au péril de sa vie, à infiltré le « Système ») nous plonge, à travers ses 6 personnages et sa pluri-narration dans le quotidien violent et les guerres incessantes des familles de la Camorra dont les activités gangrènent l’économie de la Campanie (du trafic de drogue dans les cités-dortoirs napolitaines de Scampia et de Secondigliano au trafic des déchets de produits toxiques et à la contrefaçon de la haute couture)
L’occasion pour nous d’aborder la géopolitique du crime organisé -de la Cosa Nostra aux Yakuzas- en pénétrant dans l’essence des mafias, stades suprêmes du crime organisé et de distinguer les caractères de ces entités « protoplasmiques », « parasitaires » et « polymorphes » (J. F. Gayraud) ancrées dans leur territoire mais aux pratiques développées en réseaux et maîtrisant parfaitement les mécanismes d’une mondialisation. Car les mafias sont des organisations qui doivent d’abord leur succès et leur pérennité à leur capacité d’adaptation aux soubresauts historiques (S. Lupo) mais elles sécrètent aussi une sous-culture et les comportements de ses affidés peuvent justement s’inspirer des archétypes véhiculés par le cinéma (américain ou japonais) qui, involontairement ou non, légitime cette violence crue.
La mort d’un tyran : Staline et le stalinisme
La mort d’un tyran : Staline et stalinisme
Une exécution ordinaire
Marc Dugain. 2010
25 mars à l'IFC (15h)
Pénétrer dans l’intimité du « tsar rouge » (du « cercle des intimes » d’Andreï Kontchalovski au « divan de Staline » de Fanny Ardant actuellement sur les écrans) n’est pas un exercice facile, a fortiori si l’intrigue se déroule dans les derniers mois de sa vie. Pari réussi pour Marc Dugain, qui passe derrière la caméra et met à l’écran le premier chapitre de son roman éponyme.
Cette exploration intimiste a l’avantage de restituer le climat de terreur et de dévoiler les arcanes du pouvoir de ce dictateur vieilli prématurément, empâté et au visage grêlé laissant ses victimes mais aussi ses complices dans une constante incertitude et une éternelle angoisse.
L’écrivain-réalisateur ne fait pourtant pas l’impasse sur la tragédie du totalitarisme stalinien (comme on le lui a reproché) elle est, certes, en filigrane dans le film mais bien présente.
L’occasion pour nous de révéler les mécanismes de ce régime: la pratique du pouvoir, l’asservissement d’une société terrorisée et embrigadée, l’antisémitisme enfin qui se déploie dans les dernières années du règne du Vojd et dont l’ultime avatar est le « complot des blouses blanches » qui plongera notre héroïne dans l’enfer du kremlin.
Lettres d’Iwo Jima.
La Seconde Guerre mondiale : une guerre d’anéantissement
3ème et dernière partie
Lettres d’Iwo Jima. Clint Eastwood. 2006
IFC 11 février 2016 15h
En février 1945 l’issue de la guerre du Pacifique ne fait illusion pour personne. L’archipel nippon est directement menacé et Tokyo détruite par l’aviation américaine. A Iwo Jima une stratégie très efficace de retranchement est mise en œuvre par les Japonais rendant difficile la progression des GI’s. La quasi-totalité des japonais seront tués pratiquant les « banzai charge » ou préférant se suicider. Quant à la stratégie de l’aviation japonaise elle s’illustre par l’utilisation des kamikazes.
Du coté américain on occulte ces combats furieux en milieu hostile. On ne retiendra finalement que le drapeau planté sur le mont Surabachi le 23 février et photographié par Joe Rosenthal, image appelée à une immense postérité, justifiant l’ultime effort de guerre et devenant un des mythes forts de la nation américaine.
L’idéologie nationale japonaise spiritualisant la guerre et exaltant le bushido, la mystique du « nouveau samourai » avide de pureté et de perfection morale expliquent la résistance acharnée des soldats de l’armée impériale. De manière générale la culture raciale des belligérants peut expliquer la violence sans retenue de la guerre du Pacifique.
Clint Eastwood a bâti son dyptique sur la bataille d’Iwo Jima (« Mémoires de nos pères » et « lettres d’Iwo Jima ») autour des points de vue des deux belligérants. Le premier démythifie la geste guerrière, en déconstruisant l’icône « Raising the Flag » et en analysant la fabrication du héros américain. Le second volet, celui qui nous intéresse, s’appuie sur les lettres des combattants japonais enfouies dans le sol de l’île et confère à ces soldats une humanité indéniable. Joués par des acteurs japonais et dans leur langue le film est américain dans ses ressorts et ses archétypes mais réalisé avec une telle empathie et un tel savoir-faire que cette tragédie accède au chef d’œuvre.
Contrepoint du film consacré au Nankin jiken la conférence se propose d’entrer dans la complexité de la guerre menée en Asie.Figuéréo Ch